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ACID BATH – When the kite string pops

Pochette de l'album "When the kite string pops" du groupe Acid Bath

Tracklist :
1. The blue
2. Tranquilized
3. Cheap vodka
4. Finger paintings of the insane
5. Jezebel
6. Scream of the butterfly
7. Dr. Seuss is dead
8. Dope fiend
9. Toubabo Koomi
10. God machine
11. The Mortician’s flame
12. What color is death
13. The bones of baby dolls
14. Cassie eats cockroaches

Créature du marais

Ça sort tout poisseux, ça suinte… Les guitares sont lourdes et nous pouvons aisément reconnaître des éléments hérités de Black Sabbath dans la plupart des riffs, surtout dans les moments de lourdeur. Et puis on se dit aussi que le son fait très stoner aussi… Les moments d’accélérations peuvent faire penser à du death old school, et la simplicité des riffs peut même nous faire lorgner du côté de Celtic Frost période « Morbid tales » pour l’approche primitive du riff. On peut également penser à la scène alternative grunge avec cette énergie désespérée sur certains morceaux (« Tranquilized »).

Vous l’avez compris… On sait pas trop ce que c’est. Un conglomérat d’influences… Des pionniers aux groupes extrêmes, Acid Bath s’inscrit dans un ensemble de références.

Mais Acid Bath, c’est du sludge…

Le sludge ce n’est pas vraiment un genre, c’est un lieu, une atmosphère.

Acid Bath nous vient de Louisiane. C’est un des groupes pour lesquels le lieu de naissance n’a jamais été aussi primordial pour comprendre la musique proposée.

L’album sent le marais, la sueur, l’abus d’alcool, l’ennui et l’abandon… Sent le quotidien des perdus… Je vous conseille d’aller voir les photos et de vous renseigner sur la ville de Morgan City et de Houma ; les deux villes dont sont originaires les membres du groupe. Fait rigolo, Houma serait une ville jumelée avec la ville de Cambrai en France !

Rigolo également : le groupe est signé sur le label cofondé par un des membres de D.R.I, groupe de thrash crossover californien. Dois je vraiment vous expliquer la blague ?

Rigolo… Voilà bien un terme et ses synonymes que vous pourrez oublier à l’écoute de l’album..

La boue

On commence par le son… Une guitare ultra lourde, agressive et martelante. De temps en temps quelques leads mélodiques apparaissent alors, déformés par un effet de pédale. Ces mélodies viennent aérer les compos mais elles ne contribuent pas à rendre l’atmosphère plus saine. Elles sont torturées et le blues se fait malmener pour qu’en émerge un visage de folie.

Chambre des dissections

Il faut que je m’attarde sur la voix… La beauté glauque de l’album réside dans l’interprétation du chanteur (Dax Riggs). Un jeune homme qui a une façon de chanter particulière : déshumanisée. Le chant oscille entre chant clair et vociférations rageuses. Seulement… Il y a plus d’émotion dans son cri que dans son chant clair… Le chanteur récite des phrases et semble absent de sa propre voix. Ce qui rend la chose plus dérangeante lorsque les paroles sont comprises… Interpréter l’anémie émotionnelle de personnes atteintes de psychopathies n’a rien d’évident, et il le fait.

On sent la souffrance dans les cris, et la rage, et la frustration (il est beaucoup question de désir sexuel dans les textes). Puis dans le chant clair une sorte de placidité déconcertante, sans âme, dépouillé de la moindre intonation qui donnerait une vibrance aux notes… Soutenu par des backing vocals de l’enfer, il faut entendre les mutilations vocales…

Le chant clair n’est pas serein : il est indifférent aux hurlements qui l’ont précédé venant de la même gorge et ne craint pas ceux à venir. Il pénètre sans plaisir, il dissèque sans état d’âme les pleurs et les agonies.

Embourbé

Il faut reconnaître que si l’interprétation est unique et intense, les guitares inspirées et la batterie ont une assise rythmique mettant en avant la lourdeur et l’hystérie des différents passages ; quelques longueurs se font sentir.

L’album est long (68 min) et les morceaux le sont également, hormis « Cheap vodka » et « What color is death ? », tous les morceaux dépassant les 4 minutes. Cinq d’entre eux font 6 minutes et trois atteignent les 5 min.

Alors oui il y a des morceaux plus longs, que ce soit dans le genre ou dans le metal. Seulement on peut ici sentir le temps passer, du fait d’une certaine homogénéité des morceaux et de certains moins inspirés.

Même si le groupe propose des mélodies et des lignes de chant prenantes, nous sentons que l’inspiration est inégalement répartie dans le travail de compositions. Et sur les 14 pistes, il y a fort à parier que certaines passent à la trappe de votre mémoire.

Ce n’est pas grave, car ce qui compte ici ce n’est ni le riff ni la lourdeur ni la mélodie : c’est l’ambiance. Et malgré l’aspect tiré en longueur de certains morceaux, elle ne cesse d’être présente. Jamais le groupe ne semble perdre de vue ce qu’il raconte en musique et en paroles. De ce fait, il résulte un étrange sentiment où on se dit qu’on se passerait de certains passages peu marquants. Tout de même, on apprécie toujours cette atmosphère, ce son, cette interprétation, cette boue toujours coulante.

Si l’album a un ventre mou une fois passé « Scream from a butterfly », l’intérêt se trouve renouvelé lorsque la composition « God machine » arrive avec une variété de riffs et une agressivité rehaussée.

Scream from a butterfly

Certes il y a des riffs accrocheurs et des rythmes entêtants, des compositions aux structures travaillées ; mais l’album pour moi n’aurait pas eu le même impact sans la chanson « Scream from a buttefly ».

L’idée de génie et l’acmé émotionnelle de l’album s’y trouvent.

Il y a dans l’album deux ballades acoustiques (qui ne se privent pour autant d’effet électrique sur le son de basse). Vu leur emplacement sur l’album, il semble que le groupe n’a pas réalisé qu’il tenait au moins avec l’une d’entre elles leur coup de génie.

Pour comprendre ce coup de génie (qui à mon grand étonnement n’a pas donné naissance à un nouveau genre) allez l’écouter, cela vous sautera à un moment aux oreilles.

Libellule unique

Le groupe n’est ni précurseur du sludge ni son représentant le plus emblématique (Eyehategod, Crowbar), mais clairement il lui a donné une aura unique en un album, de par l’interprétation originale, de par les textes imaginatifs et dérangeants.

Sa poésie, sa cruauté, son désespoir, son désir du Rien, fier représentant du sludge, Acid Bath, avec « When the kite string pops », rend palpable les noirceurs humaines tapies dans les marais d’immondices de l’âme humaine.

Pas pour rien que la pochette provient d’une personne monstrueuse.

Bienvenue.

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